13 août 2010

Mon fils, ma vie...


Aujourd'hui, après bien des mois de silence, j'ai envie de vous parler de mon fils.

Vous le connaissez un peu, certains le connaissent même très bien, j'ai parfois même l'impression d'être celle qui le connaît le moins...

Je le regarde grandir, avancer son chemin, je le vois trébucher très souvent, trop souvent, avec cette certitude implacable que je suis la pierre qui bloque sans cesse ses pas. Je le regarde en restant effarée, parfois j'ai l'impression que le temps est resté figé depuis ce jour, le jour où l'on m'a annoncé ses malformations. J'ai souvent décrit ce moment comme un coup de massue, comme si j'avais été assommée. Certains jour j'ai l'impression de n'avoir jamais tout à fait émergé. Pas que je ne réagisse pas, mais comme si une part de moi attendait de se réveiller, comme on se réveille d'un mauvais rêve.
Certains soir je l'avoue, je me couche en priant que son fardeau s'allège, comme si quelqu'un quelque part pouvait décider "allez, il en a assez bavé, on va passer la balle à quelqu'un d'autre"...

Mon grand Cédric, mon beau Cédric, mon courageux petit garçon. Et comme c'est moi qui me sens si petite parfois quand je le regarde avancer. Il a déjà en lui toute la sagesse du monde, en ces instants immobiles où je l'ai regardé partir dans on grand lit tout blanc, ses yeux fixés sur moi. Et même quand il se montre espiègle, quand il "régresse", quand il fait des bêtises, j'ai toujours l'impression qu'il ne fait que jouer au petit, comme pour nous rassurer "je suis un vrai petit garçon."

J'entends les leçons, les conseils des uns et des autres, la compréhension, la compassion de mes amis et proches. Souvent en les écoutant je me sens tellement en décalage, je ne me dis pas "ils ne comprennent rien", je me dit seulement que je voudrais penser comme eux, voir comme eux, que ce soit si simple...

Il y a des choses qui m'embrouillent et qui m'aveuglent. Des choses tellement profondes et compliquées... Mon histoire, mon éternelle culpabilité.
Je regarde mon petit garçon comme je le regardait bébé. Ma 7e merveille du monde que je n'osais pas toucher. Par peur de le briser. Le sentiment profond, accablant, que tout ce que je pourrais lui donner serait mauvais.

Pourtant mon petit amour, c'est contre moi qu'il s'appuie, à moi qu'il dit ces choses qu'il ne dit à personne, sur mes genoux que sa peine s'apaise, que dans un simple souffle je sens parfois tout le soulagement du monde que seule une maman peut apporter. Je me nourris de ces instants en faisant de mon mieux pour ne rien chercher d'autres, pour ne pas réfléchir, juste saisir le moment.

Depuis tout petit je sens une force en lui, que toutes mes erreurs de maman n'empêcheront jamais de le pousser vers l'avant. Il va son chemin, tellement certain, lui, contrairement à moi, de savoir où il va.
Je voudrais tellement, parfois, que ce soit moins difficile! Le temps ne rend pas les choses plus simple. Il nous use, il nous fatigue simplement. Chaque hôpital différent, chaque service visité, chaque professionnel consulté, chaque mot, chaque silence, des espoirs mais surtout des doutes, et surtout des questions éludées, non entendues, non prises en compte. Des formules à prononcer, magiques, qui ouvrent des portes ou les gardes scellées. C'est ainsi qu'on tâtonne dans le monde médical, dans le monde du savoir, où l'on est "rien que des parents", des parents ignorants, mais connaissant leur enfant.

J'ai bien conscience qu'il ne sers à rien de pleurer sur son sort, bien conscience aussi de notre chance qu'il n'ait "que ça", qu'il y a bien pire, et qu'on vit dans un des pays où il sera le mieux pris en charge. Mais notre vie quotidienne est la notre, pas celle des autres, nos soucis, si petits soient-ils au regard des autres, sont ceux que l'on affronte chaque jour sans pouvoir se reposer sur personne d'autre.

J'ai simplement peur de tout ce qu'il aura encore à traverser. Peur que l'armure que je me forge chaque jour pour être la plus forte possible pour lui, ne résiste pas à l'épreuve du temps. Peur de ne pas trouver les mots quand il le faudra, quand il le faut. Mon garçon si bavard, mais si silencieux quand il s'agit de ses blessures profondes. Mon garçon que je bouscule sans arrêt, pour qu'il reste dans le moule où j'aurai voulu le fabriquer.

Ce n'est pas facile, et j'aimerai bien ne pas être trop jugée. Arrêter moi même de trop me juger. De me fustiger trop souvent de ne pas être aussi parfaite que je le voudrais pour lui. Accepter d'être seulement humaine, et que cela suffise à son bonheur. Accepter que je n'ai pas besoin des autres pour bien faire, qu'ils ne sont pas à ma place, que mes décisions et mes choix ne sont pas forcément mauvais.

Quoi qu'il en soit c'est la lumière de ma vie, j'avais rêvé pour lui, c'est vrai, autre chose que ce parcours du combattant, mais le petit garçon dont j'avais rêvé avant de le rencontrer, était loin, bien loin d'égaler ce que je découvre chaque jour de mon fils. Je n'ai pas besoin d'analyses, de chiffres, de médecins pour me dire ce qu'il me montre de son coeur, de son esprit, son intelligence et sa générosité, sa sensibilité et sa force, son courage et sa ténacité.

Mon Cédric je suis fière, si fière de toi!